7 août 2017 à 23:50
Vous n'aurez pas notre passion
Vous n'aurez pas notre passion : une chasse aux supporters strasbourgeois organisée à Lyon.
A Guichets Fermés·lundi 7 août 2017
Partis pour un week-end de fête 25 années de passion football, partagées entre copains, à jouer, dans la cour de récréation, en club, dans les city-stades, en entreprise, à 5, à 11, à la PlayStation, à FIFA, à Football Manager, à aller au stade, en première division, en ligue des champions, au parc des princes, à refaire les matchs, à la Meinau, en départementale, en coupe Intertoto, le dimanche après-midi, à supporter Lyon en ligue des champions, pendant l'Euro, à la télé, en rêvant…
Hier, après 10 ans d'absence au plus haut niveau du football français, notre club de toujours, le Racing Club de Strasbourg, retrouvait la ligue 1 face à Lyon au Groupama Stadium.
Sur le papier, la composition de notre équipe était magnifique. Si nous sommes tous restés attachés viscéralement à nos racines Strasbourgeoises, la vie nous a amené ailleurs, dans d'autres villes comme Paris, Lyon, Lausanne ou Genève.
Nous avions donc décidé de nous retrouver à Lyon afin de passer un week-end ensemble, entre passionnés. La tactique était communiquée : équipés de nos maillots bleus, mes deux petits frères animeraient les offensives sur les côtés, quand mes amis d'enfance seraient à la récupération du ballon rond.
Insultes, coups et haine ordinaire à cause d’un maillot différent
Mais dans le football, vous le savez bien, entre le papier et le terrain il y a toujours un écart…
Ce qui aurait dû être une grande fête s'est rapidement transformée en calvaire lié à des agressions verbales et surtout physiques.
Nous n'avions même pas eu le temps de tous sortir de nos voitures, au parking P7 de ce magnifique Parc OL, qu'une bande d'abrutis se dirigeait dans notre direction en nous insultant et nous menaçant. Traqués comme en temps de guerre, nous avons dû fuir.
Il faut dire que leur combat avait un sens... Les nuances de couleurs entre le maillot lyonnais et celui strasbourgeois ne sont pas les mêmes !
Les hooligans ne seraient-ils pas morts en ligue 1 ?
Après une entrée en matière compliquée, Il en fallait plus pour calmer l'euphorie de notre team. Nous rejoignons nos places comme de véritables célébrités, escortés par plusieurs personnes du service de sécurité, bienvenue à Lyon…
Dans les travées du stade, je fais la rencontre d'un autre ami que je n'avais plus vu depuis quelques années, Baptiste. Lui n'avait pas réussi à fuir. Le visage tuméfié, il avait reçu 3 coups de poing, était tombé au sol et s'était fait piétiner par d'autres lyonnais qui se prennent pour des hooligans. Parce que des vrais hooligans semblent avoir au moins un peu de courage, ils agressent les hooligans adverses sur des terrains vagues, en prévenant et pas les supporters ordinaires.
En plus, ces abrutis chassent en meute, en supériorité numérique forcément. Etre lâche est un critère de performance de ces lyonnais qui jouent aux hooligans. Ce qui importe c'est de cogner, d'humilier, de faire mal, il faut attaquer les spectateurs, même s’ils viennent juste pour partager un bon moment, y compris avec les supporters adverses.
La grande classe quoi, le degré zéro de la tolérance.
Fiers d’être bêtes et méchants
Ça peut paraître surréaliste de se faire frapper sans provoquer, mais c'est la réalité, affligeante. Il n'y a pas eu d'échange avant ces agressions. L'infirmière du stade, qui a soigné mon ami, lui a fait une confidence : "ça n'arrête pas ce soir, les Strasbourgeois défilent suite à des agressions."
4 pions lyonnais plus loin, fin du match, Lyon 4 - Strasbourg 0. On aurait pu s’attendre à ce que les hordes d’abrutis soient calmés. Mais pas du tout. Arrivés à proximité de nos voitures.
Une nouvelle horde de décérébrés, ceux qui prennent notre passion en otage, est encore plus nombreuse. À ma grande surprise, le premier contact fait état d'une marque de respect à notre égard : "rentrez dans votre pays !
T'es pas chez toi ici." beugle une brillante lyonnaise. J'ai trouvé sur l'instant que de considérer Strasbourg comme un pays, c'était plutôt flatteur, mais peut-être pas chez ces microcéphales… Mon frère se mange une nouvelle droite gratuite. Cette fois, on ne pourra pas éviter, on va devoir aller au combat pour tenter de survivre, le temps que les casques bleus interviennent.
A 5 contre 25, nos chances ne sont pas énormes mais je ne vois pas de peur en nous, juste de la tristesse, une profonde tristesse.
La banalité de la violence Je ne sais pas l'expliquer, mais je me replonge dans la seule autre triste expérience que j'ai vécue dans un stade. C'était un certain 13 novembre au stade de France. Je n'arrive pas à m'empêcher de faire le parallèle entre ces terroristes qui s'attaquaient à notre mode de vie, à nos libertés et ces pseudo-hooligans, fiers d’être bêtes et méchants. C’est aussi une célébration de l’obscurantisme et le même plaisir de l'imposer par la violence.
Lyon a gagné, les dirigeants, les joueurs, et les supporters locaux sont contents. Le journal Le Progrès, titre « L’Ol et les bons départs », parle du nouveau style du capitaine N. Fekir, d’un « cru 2017-2018 taillé pour la grande aventure » et on parle des 40 000 spectateurs qui ont investi l’enceinte de Décines juste pour découvrir la nouvelle équipe…
Bref, les hordes révoltantes d’abrutis n’existent pas, et les dizaines de strasbourgeois agressés ne sont que des dommages collatéraux insignifiants, inutile d’en parler.
Cette banalité de la violence est insupportable. Ceux qui prétendent aimer le football doivent réagir et diffuser ce message, ça nous aidera à surmonter notre tristesse de voir notre passion du football ainsi abimée.
Un supporter de football.
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